Forum chrétien romand: tous membres d’une même famille
«Dans une société où les chrétiens sont désormais minoritaires, nous ne pouvons plus témoigner chacun de notre côté!» Telle était la conclusion des participants catholiques au premier Forum chrétien romand qui a eu lieu du 10 au 13 octobre. «Nous avons vécu une prise de conscience renouvelée que nous sommes tous témoins du Christ ensemble.»
Inspirés par la démarche des récents Forum chrétien mondial et Forum francophone (Bogota et Lyon 2018), environ 100 membres de toutes confessions et dénominations chrétiennes de Suisse romande - catholiques, réformés, évangéliques, pentecôtistes, orthodoxes, catholiques chrétiens, anglicans et adventistes - se sont réunis à Leysin (VD). C’est sous l’angle du témoignage personnel d’expériences de foi, en privilégiant ce qui rassemble, Jésus-Christ, que les participants se sont retrouvés.
A la fin du séminaire, les membres de chacune des confessions avaient un temps entre eux pour discuter de comment ils avaient vécu ce Forum et étaient appelés à faire une synthèse à présenter à tous. Les évangéliques ont ainsi fait part de leur impression «d’avoir pris un train en marche avec ses joies et ses gênes».
La peur d’un agenda caché autour du mot œcuménisme, l’impression que tout va trop vite et les moments mal vécus, comme les temps de prière, n’ont pour autant pas entamé la joie des évangéliques à l’idée de témoigner dans leurs Eglises locales du vécu de ces trois jours. «Nous avons l’envie de revivre un tel Forum.»
La part belle aux évangéliques
Publicité
Le rassemblement faisait la part belle aux évangéliques puisque ces derniers représentaient la moitié des participants. Une volonté d’accueil affichée par les organisateurs. En effet, le Forum avait pour vocation de «créer des ponts entre les deux mouvements qui ont marqué le 20e siècle: le mouvement œcuménique et le mouvement évangélique-pentecôtiste».
Pour Martin Hoegger, pasteur réformé et chargé de cours à la HET-PRO et un des principaux organisateurs, ce Forum constitue un «grand espoir pour l’Eglise. Nous étions au bon moment, à la bonne place, ensemble.» Face au vieillissement des fidèles, aux scandales en tous genres, aux problèmes financiers, au sentiment d’être minoritaires, etc., Martin Hoegger encourage chacun à se tourner vers le Christ, qui est la résolution de ces problèmes.
En plus de temps de partage en petit groupes où chacun avait quelques minutes pour raconter son parcours de foi et à «parler en je», les participants ont visité divers lieux de culte dans le Chablais et sur la Riviera vaudoise. L’occasion de découvrir d’autres pratiques et
traditions que les leurs.
Des exemples d’unité
Plusieurs initiatives interconfessionnelles ont été présentées comme Aigle’is en marche. Cette organisation regroupe l’Eglise évangélique de Châble-Croix, l’Eglise chrétienne du Chablais, l’Eglise évangélique le Cap, l’Armée du Salut, l’Eglise catholique ainsi que l’Eglise réformée autour d’une même question: «Comment puis-je être une bénédiction pour ma ville aujourd’hui?»
Des actions de nettoyage des parcs de la ville ont ainsi lieu, ainsi que des événements tels que les KidsGames ou des comédies musicales ainsi qu’un stand commun au marché de Noël avec un même mot d’ordre: être au service.
Pas question de mettre sous le boisseau l’actualité et les terribles révélations du rapport «Sauvé» sur les abus sexuels sur mineurs dans l’Eglise catholique en France. «La honte des évêques de France est la mienne», a déclaré Jean-Marie Lovey, évêque de Sion, qualifiant d’horreur épouvantable les crimes d’abus sexuels. Il a en outre invité à voir les réalités des victimes au-delà des chiffres et invite à un changement vers une Eglise plus synodale et ouverte à un dialogue entre chrétiens de différentes confessions.
Pas question d’unité théologique
Pour Jean-Luc Ziehli, président du Réseau évangélique suisse (RES), «l’œcuménisme est un chemin et non un but». Il a insisté sur l’importance d’échanges relationnels plus qu’institutionnels et «encore moins sur la recherche d’une unité théologique». Il encourage à «témoigner ensemble des valeurs du Royaume, revenir aux Béatitudes et voir ce qui nous unit.»
Lors d’un culte interconfessionnel dans les locaux de l’Eglise évangélique de Châble-Croix à Aigle, Anne Schweitzer, membre du Forum chrétien mondial, a demandé «pardon pour le contre-témoignage de nos Eglises divisées». Emma Van Dorp, ancienne étudiante en théologie à Genève, a témoigné de son expérience à l’Institut œcuménique de Bossey (VD) où une trentaine de personnes d’origines confessionnelles diverses ont résidé sous le même toit pendant un semestre. «C’est dans les temps informels, dans la cuisine qu’ont lieu les vraies conversations.»
Pour le dialogue interconfessionnel, elle encourage à une «conversation de cuisine et non de salon», un «dialogue actif et au service des autres». «Ce Forum nous a rappelé que ce qui nous unit est bien plus fort que ce qui nous sépare: Jésus-Christ, Dieu parfait et homme parfait, envoyé par le Père et donateur de l’Esprit-Saint pour nous réunir en lui», témoignent à l’unisson les participants dans un texte commun. «On a l’impression de se découvrir comme membres d’une même famille avec beaucoup de facilité et de naturel», assure Pierre-Yves Maillard, vicaire général du diocèse de Sion, évoquant des échanges touchants de simplicité, d’authenticité et de vérité. «Nous sommes plus crédibles quand nous sommes ensemble.»
_________________________________________________________________________________________________________
Eglises interpellées
Dans une déclaration commune, les ministres du culte, religieux et laïcs présents à ce Forum ont adressé sept interpellations à leurs Eglises respectives. Les membres expriment leurs souffrances dues à la désaffection de beaucoup et le «séisme spirituel» provoqué par la découverte d’abus de toutes sortes. Ils encouragent les communautés à s’entraider pour être des «témoins crédibles du Christ ressuscité». Ils souhaitent que les familles, communautés et paroisses expérimentent «cette démarche fructueuse». Le Forum chrétien a permis en outre de créer des ponts entre le mouvement œcuménique et le mouvement évangélique-pentecôtiste: «Demandons-nous toujours qui manque autour de la table de la fraternité chrétienne!»
Les participants affirment par ailleurs la dignité de chaque être humain créé à l’image de Dieu et déclarent vouloir se soucier des personnes en marge de la société. La relation avec la création est un fruit de la vocation des chrétiens rassemblés. Enfin, les participants exhortent à ne pas remettre à demain «l’appel à vivre ensemble la mission» confiée par le Christ et à être à sa demande «pèlerins les uns avec les autres».
